Apolitique mais pas trop

Organisée par la Société suisse d’utilité publique (SSUP), la cérémonie officielle du 1er août 2022 au Grütli n’aura pas grand-chose d’une «fête nationale». Arrière les hallebardes de nos fiers Waldstätten; place à la «lutte pacifique»… et au tri des déchets!
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«La SSUP essaie d’empêcher l’instrumentalisation politique du Grütli». Soit, noble idéal. Mais un observateur attentif aura tôt fait de flairer l’arnaque. Notre «Grütli apolitique» est-il vraiment vierge de toute motivation politique? Dans le style au moins, les documents de la SSUP – organisatrice l’an dernier d’un «Grütli des femmes» – pastichent à merveille les discours internationalistes du parti socialiste. On y apprend notamment que «le Grütli devrait servir à la cohésion des différentes cultures en Suisse», ou encore que «ce lieu emblématique devrait également exprimer l’ouverture de la Suisse au monde». La SSUP tient aussi à montrer son aversion radicale pour toute forme de conservatisme: «Après la Seconde Guerre mondiale, lit-on quelques lignes plus loin, le Grütli [a perdu] sa symbolique de liberté, indépendance et résistance, étant plutôt utilisé pour la propagande conservatrice, patriarcale, voire xénophobe.» Ce à quoi le Règlement d’utilisation de la prairie du Grütli le 1er août ajoute: «Il est interdit de prendre avec soi […] du matériel de propagande.» Reste à savoir de quel matériel il peut s’agir.

Un hymne national revisité

Qu’y a-t-il de plus conservateur qu’un «hymne national», d’une part, qui contient des phrases du type «Suisse, espère en Dieu toujours!» d’autre part? Pas grand-chose. Raison pour laquelle, peut-être, le Cantique suisse n’est plus chanté le 1er août sur le Grütli. Depuis quelques années, la SSUP y a substitué un nouveau chant, plus inclusif. La mélodie semblable, le texte différent. Les accents émus d’un cœur pieux ont disparu, remplacés par ces strophes si poétiques:


Sur fond rouge la croix blanche,
symbole de notre alliance,
signe de paix et d’indépendance.
Ouvrons notre cœur à l’équité
et respectons nos diversités.
A chacun la liberté
dans la solidarité.
Notre drapeau suisse déployé,
symbole de paix et de liberté.


Ce à quoi la SSUP ajoute une couche supplémentaire d’«ouverture» en proposant, en plus des quatre langues nationales, une version anglaise du nouvel hymne national, dont voici un extrait:


Open to the world in solidarity,
Swiss are one in peace and diversity.


Contactée, la SSUP nous a expliqué que «les paroles traditionnelles de l’hymne national ne sont pas chantées du tout le 1er août», et que «tous les participants sont encouragés à chanter les nouvelles paroles, même si on ne leur interdit pas de chanter les paroles traditionnelles». En somme, chacun fait ce qu’il veut, la cacophonie ayant remplacé la traditionnelle cohésion fédérale. Quoi qu’il en soit, ouverts au monde dans la solidarité ou pas, les participants de la fête du Grütli en 2022, placée sous le signe de la «lutte pacifique» – qu’est censée représenter le lutte suisse – seront invités à traiter le lieu au moins aussi bien que des toilettes publiques, puisque le règlement se conlut sur ces mots doux: «En quittant la prairie du Grütli, veuillez la laisser dans le même état qu’à votre arrivée.»

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