UNIGE se met au Vert (lib)

Une offre de stage au sein d’un parti, relayée par un secrétariat aux étudiants, touche les limites de la neutralité académique.
Les étudiants du Global Studies Institute ont reçu un courriel qui surprend. DR
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« De manière générale, les Vert’libéraux s’engagent pour une politique écologique, progressiste et ouverte sur le monde. Ils sont convaincus qu’une autre façon de faire de la politique, éloignée des éternels clivages gauche-droite, est possible. »

Voici un extrait de l’offre de stage reçue par bon nombre d’étudiants de l’Université de Genève, ces derniers jours. Transmise par voie officielle, elle porte sur un poste à 80%, au salaire non précisé, sur une période minimale de quatre mois. Au menu: tâches de secrétariat, gestion des réseaux sociaux ou encore organisation de stands. « Nous vous rappelons que si vous décidez de choisir ce stage en intra-cursus, vous devrez avoir acquis 60 crédits ECTS dont ceux du tronc commun avant de débuter », précise ainsi le courriel envoyé par le secrétariat des étudiants du « Global Studies Institute ».

Ci-dessus, l’offre de stage reçue par les étudiants.

Une proposition très éloignée du champ d’études

Parmi les destinataires de cette missive, un étudiant un peu déboussolé : « J’ai été surpris de recevoir une offre de stage partisane relayée par la messagerie d’une Université publique. Qui plus est, pour un engagement intra-cursus dans un domaine éloigné du champ d’études des relations internationales. En tout cas, c’est la première fois ce que ça m’arrive.» Domaine éloigné, mais relations assez proches puisque la personne de contact au sein des Vert’libéraux, secrétaire général du parti genevois, est un habitué de la maison, titulaire d’un doctorat obtenu en 2019 à l’Unige, ancien vice-président du thinktank Foraus. 

J’ai été surpris de recevoir une offre de stage partisane relayée par la messagerie d’une Université publique.

Un étudiant en relations internationales


« Cela ne me choque pas, à la condition que la même possibilité soit donnée à tous les partis de l’UDC aux Verts », réagit Barry Lopez, étudiant en droit à l’Université de Lausanne et élu PLR. « Pour moi ce qui est le plus important c’est qu’un salaire digne de ce nom soit versé, ce que ne mentionne pas l’annonce. » Un survol des offres de stages proposés par son université offre un certain contraste avec la proposition de stage genevois. On y trouve la possibilité d’aider des dames âgées à faire leurs courses, la veille documentaire au profit de l’institution ou l’accompagnement de futurs élèves. Bien loin, donc, de la participation à la campagne d’un parti politique, aussi honorable soit-il.

Couleur politique indifférente selon l’UNIGE

Contactée, l’Unige ne se démonte pas : « Dans le cadre de leur cursus, les étudiant-es du Global Studies Institute ont la possibilité de réaliser un stage professionnel pour lequel ils obtiennent des crédits. C’est le cas de l’offre de stage à laquelle vous faites référence, qui émane d’un parti mais aurait tout aussi bien pu provenir d’une organisation internationale ou d’une PME », explique Luana Nasca, assistante presse. 

Une telle offre de stage aurait-elle été diffusée au profit d’un parti moins consensuel, UDC ou MCG, voire même PLR ? « Ce n’est évidemment pas la couleur politique qui rend un stage acceptable ou non dans ce contexte, mais bien la nature des activités envisagées qui doit répondre aux critères d’études, comme le fait que le stage soit rémunéré. »

Commentaire

On lit toute l’année, et particulièrement à droite, que les sciences humaines sont l’antichambre du chômage et que ces « usines à ânes » fonctionnent en vases clos. A ce titre, on peut se réjouir qu’un institut cultive des liens avec des partis politiques, tout comme l’on peut saluer certains partenariats public-privé, dans les sciences dites dures, lorsqu’ils contribuent au développement économique de nos régions.

Restent plusieurs questions dans la situation que nous traitons ici : une université, tout d’abord, peut-elle relayer une offre de stage qui ne précise pas le salaire qui sera versé à ses étudiants ? Sans cette garantie, ne risque-t-elle pas de les plonger dans les eaux glacées de la loi du marché, sans bénéfice évident pour la suite de leur formation ?

De surcroit : en rédigeant un courriel à une flopée d’étudiants, pour une seule place de stage, le secrétariat du Global Studies Institue ne fait-il pas tout simplement de la communication politique ? Les liens étroits entre la personne de contact au sein du parti et l’UNIGE, au sein de laquelle il a été chercheur, devraient en tout cas inviter à davantage de vigilance, même au cœur de l’été.

Il ne s’agit pas de jouer aux pères-la-pudeur. Tant mieux si les études peuvent faciliter la prise de contact entre les élèves et ceux qui, au sein du jeu politique, font vivre la démocratie. Espérons donc que l’UNIGE réservera un aussi bel accueil aux propositions de partis qui, habituellement, ne font pas tellement leur marché dans les amphithéâtres.

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