Sacrifié, l’esprit de Noël

Les deux acteurs suisses les plus importants de la grande distribution ont décidé de ne pas utiliser de décorations de Noël cette année. Coop l’assure: il ne s’agit en rien d’une attaque contre la tradition ou l’identité, mais bien d’une mesure d’économie d’énergie. Avec une victime trop facile?
Bientôt au chômage, les pères Noël? On se demande avec quelle lumière ils vont pouvoir guider leurs montures. Unsplash
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L’annonce a été faite coup sur coup au début du mois de septembre: Coop puis Migros ont déclaré que, mesure d’économie oblige, aucune décoration lumineuse de Noël ne serait employée pour égayer les devantures des échoppes durant les fêtes cette année. Coop justifie cette décision en invoquant une possible pénurie. «Nous mettons en œuvre les premières mesures volontaires d’économie d’énergie en vue d’une éventuelle pénurie d’électricité. Le maintien de notre mission d’approvisionnement est pour nous une priorité absolue», clarifie Caspar Frey, porte-parole du grand distributeur. Il précise que la mesure n’a absolument rien à voir avec une attaque contre l’identité suisse ou la tradition chrétienne: «En tant qu’entreprise, Coop est neutre sur le plan confessionnel. Ces mesures sont liées à l’appel de la Confédération à économiser l’électricité.»

Ours polaires et bonshommes de neige

Patrick Simonin, élu PLR au Grand conseil vaudois estime que les deux enseignes montrent ainsi l’exemple: «Même si l’on peut être déçu du manque d’anticipation de l’administration fédérale au sujet de la pénurie d’énergie et du peu de clarté de ces informations, les annonces des géants de la distribution peuvent être un signal pour le grand public, que tout le monde va devoir s’y mettre, à économiser de l’énergie pour cet hiver.»

Militant chrétien en faveur de la décroissance et président de l’association qui édite la revue Itinéraires, Jean-Daniel Rousseil ne se sent pas heurté par l’abandon des illuminations dites de Noël. Bien au contraire puisqu’il les considère à cent lieues de l’esprit de Noël: «En tant que chrétien, les décorations que j’ai pu voir ces dernières années ont plutôt eu tendance à me fâcher. Tous ces ours blancs et ces bonshommes de neige sont déplacés. Et je ne parle pas de ces étoiles qui pullulent. C’est à l’opposé de la signification de Noël où une seule étoile souligne justement l’obscurité dans laquelle Jésus descend.»

«En tant que chrétien, les décorations que j’ai pu voir ces dernières années ont plutôt eu tendance à me fâcher. Tous ces ours blanc et ces bonshommes de neige sont déplacés.»

Jean-Daniel Rousseil, président de l’association qui édite la revue Itinéraires

Belle unanimité entre les deux hommes, donc. Mais c’est sur le thème du «green-washing» que les avis divergent. Patrick Simonin n’y décèle aucun signe de la part des enseignes: «C’est le moyen pour elles de montrer leur contribution première en la matière. Mais il faudra également qu’elles aient la même pertinence pour passablement de produits importés dont l’étiquette bio ou la durabilité n’est pas comparable aux produits suisses.» A l’inverse, Jean-Daniel Rousseil voit bel et bien, dans l’abandon des décorations de Noël, une volonté de laver plus vert que vert; selon lui, cela ne date pas d’hier: «Ces magasins font tous les «washings» imaginables. La Migros n’a jamais rien épargné pour attirer certaines catégories de clientèle. Par mercantilisme, ces commerçants utilisent tout ce qui est tendance pour accroître leurs ventes. Cela relève d’un opportunisme invétéré.» Questionnée sur l’abandon de décorations énergivores accessoires à l’occasion d’autres événements, qu’ils soient sportifs (Jeux Olympiques, Coupe du Monde) ou sociétaux (Journée internationale des femmes, Pride), la Coop explique qu’elle s’adaptera en fonction des ressources: «Nous suivons de très près la situation dans le domaine énergétique et nous prendrons les décisions qui s’imposent. Actuellement, il convient d’attendre l’évolution de la situation pendant les mois d’hiver.»

Coop a également prévu de baisser la température à 19 degrés dans ses différents locaux. Selon la cellule communication de la marque, les salariés n’ont pas été consultés avant cette décision: «En ce qui concerne les conditions de travail, nous nous conformons aux dispositions légales. Jusqu’à présent, les réactions du personnel ont été positives.»

Si la situation venait à se dégrader, les employés pourront toujours suivre les conseils d’une élue fédérale: enfiler un gros pull et boire du thé chaud.

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