Plus vit.e, plus haut.e, plus fort.e

Certains marathons parmi les plus renommés au monde incluent une nouvelle catégorie, pour les coureurs qui ne se sentent ni homme, ni femme. En Suisse, l’idée fait son chemin.
Quand seules les capacités physiques sont censées primer, pourquoi créer des catégories sociétales? Unsplash

L’Américain Jake Caswell (photo encadré) est heureux et fier. Il a fini à la première place lors du dernier marathon de New York, le 7 novembre dernier, et empoché un beau chèque de 5000 dollars. Un couronnement obtenu non pas dans la catégorie «hommes», à laquelle il devrait appartenir d’un point de vue physiologique, mais dans une catégorie toute nouvelle: celle des «non-binaires». Comme le souligne la presse américaine, le New-Yorkais de 25 ans, avec un temps de 2 heures et 45 minutes, aurait terminé 147e dans la catégorie masculine. Et 172e au classement général. Classements tout aussi honorables pour un solide gaillard comme lui.
Cinq des six plus grands marathons mondiaux — New York, Boston, Chicago, Londres et Berlin — ont récemment ajouté la catégorie «non-binaires» dans leur compétition. Seul celui de Tokyo n’a pas opté pour ce choix, avec des critiques virulentes à la clé.
Cette nouvelle inclusivité ne se traduit pas encore par la mise en place de catégories spécifiques en Suisse, même si l’idée ne semble clairement pas déranger. Patrice Iseli, chef du Service des sports de Lausanne et président du comité d’organisation des 20KM de la capitale cantonale n’a, par exemple, reçu aucune demande allant dans ce sens: «Plutôt que de nouvelles catégories, nous privilégions la mise en place de nouveaux parcours basés sur la distance où le chronométrage est absent ou peu important, comme «courir pour le plaisir» ou «l’apérorun». Nous souhaitons que toutes les personnes, même celles et ceux qui ne pratiquent pas ou peu la course à pied, puissent participer et se réunir autour d’un même évènement. Nous nous inscrivons pleinement en cela dans la politique municipale de développement de la pratique sportive pour toutes et tous.»

La faitière Swiss Running n’a pas non plus connaissance de demandes pour une catégorie «non-binaires». Sa porte-parole Marlis Luginbühl précise que si un tel besoin se manifeste, les organisateurs mettront en place une offre. Selon elle, «la course à pied est en soi un sport inclusif. A part une paire de chaussures de course, aucun équipement n’est nécessaire et tout le monde n’a qu’à sortir de chez soi pour s’entraîner. C’est pourquoi les courses devraient également être ouvertes à tous.»

Le risque de la fragmentation

Jake Caswell, heureux et fier après sa victoire au Marathon de New-York

Nous vivons tous, à des degrés divers, dans des projections de l’esprit. Tel ou tel se croira irrésistible, un autre excellent joueur de basketball, voire capable d’écrire des éditos stimulants. Dans une certaine mesure, c’est à développer en nous cette fiction que servent les arts, et la littérature en particulier. Qu’une personne biologiquement mâle «s’identifie» homme, femme ou «non-binaire», dès lors, ne mérite pas de jugement: des décalages entre notre réalité objective et notre «ressenti», comme disent les magazines féminins, font partie de la nature humaine.

Le problème survient lorsque, loin de se contenter de jouir de cette vie intérieure, des activistes entendent imposer à la société entière la reconnaissance de réalités qui n’existent que dans leur tête. Ainsi la fameuse cause des «non-binaires»: comme chacun le sait, il existe dans la nature des personnes intersexuées, dans des cas extrêmement rares. Mais ces hommes qui gagnent des catégories sportives qui leur sont dédiées au nom de leur prétendue «non-binarité», qui sont-ils ? Eh bien des hommes, précisément, dont on comprend mal en quoi l’orientation sexuelle ou affective devrait influencer leurs foulées et leurs capacités cardiovasculaires. Ne peut-on pas imaginer qu’il y ait, parmi les dizaines et dizaines de personnes qui passent des lignes d’arrivée de marathons avant eux, des homosexuels, des végétariens ou des roux qui ne comprennent pas l’intérêt de demander une catégorie rien qu’à eux dans une discipline où le seul dénominateur commun devrait consister à courir vite ? Derrière l’apparente tolérance qui consiste à choyer des imposteurs, pour ne surtout pas les stigmatiser ou discriminer, un danger guette: celui de renvoyer une majorité de gens qui n’ont rien demandé à des étiquettes dont ils aimeraient avant tout s’affranchir. RP

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