La grillade, ce truc de mecs

Tête de Turc favorite de la droite dure française, la députée Europe Ecologie les Verts Sandrine Rousseau a créé un tollé en associant virilité et consommation d’entrecôte cuite au barbecue. Y a-t-il réellement de quoi?
Depuis qu’une politicienne française a dénoncé la masculinité carnivore, les amateurs de viande sont sur le grill. Unsplash
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On l’a présentée comme une radicale, une gaffeuse, voire une cinglée. Pourtant, en affirmant la réalité d’un lien entre goût pour le bœuf grillé et masculinité triomphante, l’économiste et femme politique Sandrine Rousseau n’a rien fait d’autre que répéter un point doctrinal courant au sein des courants écoféministes.

Porte-parole de l’association PEA – Pour l’Égalité Animale, Pia Shazar le confirme sur deux questions clés:

Existe-t-il un lien entre culte de la virilité et consommation de viande?
Oui, nous partageons le constat des liens clairs et avérés entre viande et virilisme. C’est une évidence que le barbecue est un symbole de virilité, comme l’attestent les analyses des publicités faites par exemple par Carol Adams ou Axelle Playoust-Braure. Les études montrent également que les hommes consomment beaucoup plus de viande que les femmes ou encore que la population végétarienne est majoritairement féminine.

De façon générale, l’on voit également une tendance plus réactionnaire chez les hommes que chez les femmes lorsqu’il s’agit du traitement de la question animale en politique. Les sondages au sujet des prochaines votations contre l’élevage intensif en sont un bon exemple puisqu’ils démontrent que 64% des femmes interrogées seraient favorables à cette initiative, contre seulement 44% des hommes. On peut lire ces chiffres de différentes manières. Une chose est sûre, l’animalisme a été historiquement et majoritairement porté par des femmes, et selon nous, il n’y a pas de hasard, mais une condition commune, une cause commune entre individus considérés de second rang.

Un barbecue féministe est-il possible, à vos yeux?

L’idée d’un barbecue féministe semble alors absurde et contradictoire. La consommation de viande a quelque chose à voir avec le virilisme et donc avec une forme de sexisme dans la mesure où il consiste en une chosification des corps que l’on s’approprie et que l’on consomme.
La proximité avec la façon dont notre société sexiste traite et (dé)considère les corps des femmes est ainsi flagrante. Manger quelqu’un est un acte d’une violence innommable, c’est traiter l’autre comme moins qu’un objet, c’est asseoir sa domination, c’est faire sien et tuer l’autre, c’est faire fi du consentement. Manger quelqu’un, en somme, semble bien loin de toute interprétation des valeurs féministes.
Ce n’est donc probablement pas un hasard non plus que les hommes se sentent menacés par l’antispécisme ou le véganisme, c’est que cette idéologie et cette pratique bousculent des logiques suprémacistes qui se sont construites à leur bénéfice, c’est que ça vient les remettre à leur place; c’est à dire, à égalité. Et ça, bien des hommes, n’en veulent manifestement pas.

Commentaire

Parfaitement libres, nous ne détestons pas non plus les contre-pieds, au Peuple. Pas au point, cependant, de présenter l’ineffable Sandrine Rousseau comme un phare de la pensée contemporaine. Mais plus que ses propos sur la viande, c’est surtout son souhait, exprimé au début du mois, d’inventer des délits pour non-respect des tâches ménagères qui nous pétrifie. Voici une femme, intelligente à l’évidence, qui se targue de venir fliquer nos vies privées et, en particulier, la manière dont les uns et les autres se répartissent les responsabilités logistiques. Un tel projet semble autrement plus inquiétant que l’idée, qui se constate aisément dans la vie de tous les jours, selon laquelle les hommes seraient plus carnassiers que les dames. Il faut n’avoir jamais participé à un giron ou à une soirée entre amis pour constater la répartition genrée des fonctions alimentaires.
Dans ses réponses à nos questions, l’association PEA – Pour l’Égalité Animale, explique d’ailleurs avec des arguments valables que ce lien n’est pas fantasmé, mais résulte d’une construction sociale. La question n’est donc pas de remettre en cause la rigueur intellectuelle de ceux qui s’opposent à la consommation de viande, ou à l’élevage intensif, mais de savoir si le monde labellisé sans souffrance qu’ils nous promettent ne sera pas pire que celui qu’ils veulent effacer. Il est peut-être des constructions et des normes sociales qui répondent à des nécessités. Il est peut-être des réalités économiques qui ne cochent pas toutes les cases du paradis sur terre, mais qui permettent à la population de se nourrir sans se ruiner intégralement. Que les femmes fassent davantage la salade que les hommes est un enjeu qui paraît tout de même bien anodin alors que l’inflation explose et torture les familles.

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