« La décroissance, c’est du bullshit ! »

Une casquette marquée d’un «PLR 2023», quelques bons mots et une ambition décomplexée: il n’en fallait pas davantage pour que des pères la vertu dénoncent le ton «trumpien» de Philippe Nantermod, chef de campagne de son parti pour les élections fédérales. Mais pas question de s’excuser: pour Le Peuple, le conseiller national valaisan enfonce même le clou!
Un brin chafouin, Philippe Nantermod a choisi de poser devant un symbole du capitalisme triomphant après notre entretien. RP

Philippe Nantermod, vous êtes venu sans votre fameuse casquette?

Eh oui, nous en avions réalisé plus de 800 pour notre journée de parti, fin octobre, et toutes ont trouvé preneur. Nous en avons recommandé.

Le ton général de cette rencontre a été décrié par des experts en communication, chez nos confrères de Blick. Vous en êtes satisfait, vous?

Et pas qu’un peu! C’était un vrai rassemblement politique comme nous le voulions, pas trop long, une heure et demie à deux heures. Il y a eu près de 1000 personnes présentes contre généralement 250 à 300 dans ce genre de meetings. Nous avons réalisé des affiches qui ont beaucoup fait parler, avec nos fameux F-35, nous avons produit ces fameuses casquettes, mais surtout nous avons proposé un vrai contenu politique: Kaspar Villiger nous a par exemple parlé pendant vingt minutes du frein à l’endettement et nous avons aussi fait venir un des penseurs libéraux les plus brillants de notre époque, Ferghane Azihari, qui a évoqué les dangers de la décroissance. C’était d’un très haut niveau et un des premiers articles que j’ai lus sur notre assemblée, d’un journaliste de Tamedia, se moquait d’ailleurs de nous parce que notre orateur maniait le subjonctif imparfait. Allez comprendre: dans le même temps, on nous reprochait d’être populistes parce que nous portions des casquettes bleues…

Mais très franchement, vous pouvez nous jurer qu’il n’y a aucune influence «trumpienne» dans le ton que vous voulez donner à votre campagne?

Non, honnêtement, ni par rapport à la casquette ni même dans le choix de tel ou tel mot. En revanche, il y a une vraie influence du style «à l’américaine», ça c’est vrai: j’aime les slogans chocs, le côté «campagne de droite décomplexée». En ce qui concerne spécifiquement Trump, je dirais qu’il y a chez le républicain des choses qui me déplaisent, bien sûr, mais s’il y a un aspect de lui que j’ai apprécié, c’est sa manière assez rock’n’roll de faire campagne, que l’on trouvait aussi chez un Sarkozy ou d’ailleurs aussi chez un Obama. C’est plutôt sympa la politique quand elle est vivante comme ça et c’est souvent ce qui manque un peu en Suisse.

Ce style tranche tout de même énormément avec l’esprit très écolo-compatible de l’ère Petra Gössi, ancienne présidente du parti. C’est voulu?

Je n’ai pas envie de taper sur ce qui a été fait par le passé. En 2019, on a pas mal sauvé les meubles et on était dans un climat différent. Il était aussi important de donner une réponse à des questions légitimes que se posaient nos électeurs. Aujourd’hui, je crois qu’on a besoin d’une droite libérale et décomplexée, qui revient à ses fondamentaux, qui n’a pas honte de dire qu’elle a une ligne, qu’elle est pour la libéralisation, pour le libre-échange, pour le marché. Une droite qui affirme aussi qu’on n’a pas à être puni parce qu’on gagne sa vie, qui rappelle que le profit est une bonne chose et que ce sont les pertes et les dettes, à l’inverse, qui sont maléfiques, comme disait Churchill. Aujourd’hui, on inverse tous les repères, toutes les valeurs et je suis assez heureux d’être chef de campagne pour le PLR en 2023, car on va pouvoir y aller un peu au marteau-piqueur.

Je n’envisage pas du tout une campagne durant laquelle le PLR s’excuserait tous les quarts d’heure d’être ce qu’il est.

Philippe Nantermod

Effectivement, on vous sent assez peu attiré par la demi-mesure.

Je n’envisage pas du tout une campagne durant laquelle le PLR s’excuserait tous les quarts d’heure d’être ce qu’il est. Je crois que ceux qui doivent s’excuser aujourd’hui, ce sont ceux qui nous ont promis qu’on pouvait sortir du nucléaire sans aucune difficulté, chose à laquelle mon parti a d’ailleurs également cru. Ceux qui ont promis ça et qui continuent à le promettre aujourd’hui sont des menteurs, tout comme ceux qui nous ont dit durant des années que la Banque nationale suisse était une fantastique planche à billets et qu’il n’y avait plus besoin de payer des impôts, alors qu’elle perd 150 milliards cette année. Ceux qui ont fait croire que le travail était dépassé, que l’on pouvait distribuer avant de produire, tous ceux qui nous ont vendu du rêve doivent aujourd’hui s’excuser, pas nous.

Ce ton résolument offensif vise-t-il à faire oublier votre ligne, plutôt autoritaire, sur les questions liées au Covid?

Non je ne crois pas. Sur le Covid, vous oubliez que le PLR a toujours été en première ligne pour limiter les mesures.

Pas sur le pass…

Non. Cependant, le pass n’était pas une mesure de limitation, mais une mesure pour éviter le semi-confinement, on l’oublie souvent. Soyons très clairs: le vaccin, en soi, est une toute petite contrainte: il prend cinq minutes et réduit le risque de tomber gravement malade, d’embouteiller les hôpitaux et de mettre à bas le système, donc de tout fermer. Du moment où vous avez un vaccin, vous avez un moyen de limiter drastiquement toutes les autres mesures. Il faut rappeler que le pire, durant cette période, n’est pas d’avoir dû faire un vaccin, mais de ne pas avoir pu travailler, d’avoir dû fermer des magasins, des restaurants, d’avoir empêché les gens de vivre normalement. Or, on ne pouvait pas simplement exiger de tout ouvrir alors que le nombre de cas explosait et que les hôpitaux étaient au bord de la rupture.

Ce visuel mi-beauf mi-bourrin a conduit des spécialistes en communication interrogés par Blick à affirmer que Philippe Nantermod se «trumpisait sur la forme». Ce virage à droite suffira-t-il à faire oublier des orientations pas si libérales que ça du PLR durant la crise Covid?

Reste que vous avez défendu cet outil, le pass, dont on nous disait qu’il visait à réduire la transmission, au lieu de simplement assumer qu’il était une chicane pour les récalcitrants. Était-ce bien aligné sur la responsabilité individuelle que prône le PLR?

Je l’ai défendu comme un moyen de limiter les infections graves et de protéger les non-vaccinés. Moins pour eux, finalement, que pour éviter qu’ils ne finissent aux soins intensifs et fassent exploser tout le système hospitalier. S’ils voulaient échapper à cette bulle que l’on créait autour d’eux, ils le pouvaient: il fallait simplement qu’ils se vaccinent ou se fassent tester régulièrement. En outre, on a aussi espéré que le vaccin réduirait les transmissions, mais aujourd’hui encore, la chose n’est pas absolument claire.

N’y a-t-il pas tout de même un risque que l’UDC ait pu vous piquer quelques électeurs sur ce dossier?

Bien sûr, grand bien leur fasse, c’est le jeu démocratique ma foi. On ne doit pas adapter son discours en fonction des gains que cela peut nous procurer. Je suis convaincu par le progrès technique, convaincu aussi que ce vaccin était une solution qui nous a permis d’éviter des mesures beaucoup plus liberticides, mesures qu’on a d’ailleurs arrêté de prendre dès qu’on a eu le vaccin. Certains ont très vite oublié ces périodes où les magasins et les restaurants étaient fermés et où on ne pouvait plus travailler. Bien sûr, pour certains, c’était la panacée, cette époque où ils pouvaient rester à la maison en étant payés…

Dans la campagne à venir, quel sera le grand enjeu, selon vous? Les enjeux climatiques et ses Cassandre collées aux routes?

Au contraire, beaucoup de gens, chez les Verts ou chez les «journalistes climatiques» – puisqu’on a récemment découvert dans Le Temps qu’une telle chose existait – commencent à paniquer à l’idée que cet enjeu ne soit plus la préoccupation première des électeurs. Je rappelle qu’il y a quatre ans, nous avions 100 000 gaillards qui descendaient dans la rue tous les vendredis à ce propos, certains avec mon portrait sur lequel était écrit «Nantermod salaud» ou «Nantermod au cachot». Aujourd’hui, on a six personnes, toujours les mêmes du reste, qui se collent les mains sur les routes. Il n’y a clairement plus le même engouement. En quatre ans, les gens ont compris qu’on n’avait pas toutes les clés du problème en Suisse et qu’on faisait tout ce qu’on pouvait. Ils ont aussi vu que, même quand on proposait des compromis comme la loi sur le CO2, ces mêmes milieux parvenaient à les saborder. Un dernier point: aujourd’hui presque tous les pays d’Europe ont réussi à découpler leur croissance économique et les émissions de CO2. Cette idée de «changer de système pour changer de monde» ne tient donc plus: la logique de la décroissance, c’est du bullshit.

N’est-ce pas une logique qui peut être sympathique, pour autant qu’elle soit volontaire?

Celui qui veut aller vivre dans la forêt, qu’il le fasse, pour peu qu’il y parvienne malgré les lois sur l’aménagement du territoire promues par les écologistes. Actuellement, ces derniers vont surtout chercher à installer la population dans des clapiers en banlieue: la fameuse «densification».

Revenons au grand enjeu de la campagne. Quel sera-t-il?

On nous refait le coup de 2019 où on ne peut pas allumer la RTS sans qu’on nous dise qu’il fait trop chaud quand il fait chaud, trop froid quand il fait froid et un peu trop tiède quand il fait tiède. Cela ne prend pas parce que les gens ont aujourd’hui beaucoup plus peur de l’inflation, des pénuries d’électricité, de matières premières, d’essence, de gaz… Le climat, c’est central, mais on n’a pas chômé ces dernières années. La Suisse fait sa part et les citoyens n’ont pas forcément envie d’être plus royalistes que le roi.

Et quel parti va tirer son épingle du jeu, à droite?

Les partis de droite ne s’adressent pas tous à la même population. Nous n’avons pas le même discours et pas uniquement des valeurs communes. Mais je crois que nous sommes arrivés à une époque où les succès des uns et des autres vont de pair. Il y a des mouvements généraux vers la gauche ou vers la droite, avec des gens qui se reconnaissent davantage dans une famille libérale ou conservatrice. Ce qui est un peu triste, c’est que les Vert’libéraux, qui devraient être des partenaires de la droite, sont devenus une officine des Verts. Peut-être que certains électeurs qu’ils ont attirés il y a quatre ans vont en prendre conscience…

Les agrariens sur les bancs d’école

Si la campagne pour les élections fédérales du PLR dirigée par Philippe Nantermod semble allégrement draguer un électorat conservateur, du côté de l’UDC on se prépare avec sérénité aux mois à venir. A la mi-novembre, les cadres intermédiaires du parti se sont réunis dans les environs de Lausanne pour réviser leurs gammes. Au menu, des explications sur la manière d’organiser l’agenda de sa section, de bien tenir son stand ou… de répondre aux journalistes. Plus longue que la fameuse journée de parti du PLR, et bien plus modeste dans sa communication, cette «UDC Academy» s’est tenue sous la houlette de la conseillère nationale genevoise Céline Amaudruz et du président de l’UDC Vaud Kevin Grangier. RP

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