Du sang neuf contre les dépendances

Ouvertement à contre-courant des tendances actuelles, l’Association Romande Contre la Drogue soutient une ligne sans compromis face aux addictions. Elle compte sur la jeunesse pour retrouver de son lustre.
Dan Ziehli (à g.) et Claude Reymond (à d.) avec un prospectus historique de leur mouvement. Le style désormais va bien changer. RP
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Elle a connu ses heures de gloire entre le début des années 2000 et le milieu de la décennie dernière. Farouchement opposée à toute tentative de dépénalisation du cannabis et toute forme de «banalisation» du problème, l’Association Romande Contre la Drogue (ARCD) était alors un interlocuteur incontournable lorsqu’il était question de révision de la loi sur les stupéfiants ou d’ouverture de locaux de consommation sécurisés.

Dix ans plus tard, le tableau semble bien sombre pour ces militants, généralement issus des rangs conservateurs, mais dont les statuts soulignent l’engagement apolitique et non confessionnel. Non seulement des « essais pilotes » de vente de cannabis sont menés dans diverses villes de Suisse, et bientôt à Lausanne avec un produit « bio » et « local », mais le discours très moral, longtemps prisé par l’ARCD, ne semble plus guère avoir de prise sur une société qui s’éloigne des valeurs traditionnelles. Si bien que les seuls interlocuteurs des médias concernant les questions de lutte contre les addictions sont des organismes qui, selon l’ARCD, jugent comme des fatalités des problématiques qu’ils devraient tenter de faire disparaître.

“J’ai été patrouilleur pendant plus de vingt ans, j’ai vu la misère humaine.”

Claude Reymond, membre de l’ARCD

C’est pourtant dans ce contexte délicat que l’association veut miser sur une nouvelle impulsion. Aux commandes, un étudiant en relations internationales de 24 ans, Dan Ziehli, président ad intérim depuis plusieurs mois et qui devrait être confirmé dans ses fonctions à l’automne, selon toute vraisemblance. A ses côtés, différentes personnalités actives en politique, principalement à droite, mais aussi un officier de police: Claude Reymond, par ailleurs engagé à l’UDC. Loin des discours purement idéologiques, ce dernier entend apporter son expérience de terrain à Genève. Une ville récemment touchée par une vague de crack qui a même conduit à la fermeture d’un préau. «J’ai été patrouilleur pendant plus de vingt ans, j’ai vu la misère humaine», décrit le policier. Qui ajoute: «La consommation de drogue commence de plus en plus tôt avec des produits de plus en plus forts ».

Refait à neuf, le site Web de l’association conserve un ton très opposé à la banalisation des drogues dites douces. Arcd

Contre l’idéologie «progressiste»

«Nos positions restent les mêmes, nos principes aussi, mais nous devons adapter notre message à une nouvelle génération», juge le président du PLR d’Yverdon-les-Bains, Maximilien Bernhard, présent depuis le début de l’aventure de l’ARCD. Signe de cette modernisation du discours, un site Web récemment refait à neuf, et un accent désormais placé sur le degré d’efficacité des mesures, et non plus sur leurs implications morales. Plus question d’«effondrement de la société», donc, mais un discours sans compromis, y compris sur le cannabis thérapeutique et, même, le CBD, pourtant légalement en vente. «Nous assumons d’être à contre-courant», rétorque Dan Ziehli, qui voit dans la mise à disposition de ces produits «le cheval de Troie de la légalisation». Il se défend toutefois de vouloir attaquer les personnes toxicodépendantes. «Nous avons simplement le sentiment que les associations «de référence» sont dans l’euphémisation et l’idéologie progressiste, alors que nous voulons parler des faits». Et de citer la hausse des accidents mortels de la circulation dans telle ou telle région marquée par la légalisation du cannabis, ainsi que tous les pays qui font marche arrière après des années d’expérimentation de la «tolérance». Des informations que la nouvelle figure de proue de l’ARCD aime à sourcer, étayant à peu près chacune de ses affirmations par la mention d’une étude correspondante. Sans être lui-même étudiant ou professionnel du domaine, le Vaudois est notamment féru des communications de l’Académie nationale française de médecine.
«Loin de l’idéologie» ou non, le contact sera difficile à rétablir avec les autres acteurs de la lutte contre les dépendances, comme le confirme le directeur adjoint d’Addiction Suisse, Frank Zobel: «Nous parlons avec tout le monde mais l’expérience a montré que le dialogue avec les membres de ce type d’associations est pour le moins difficile. Ils ont raison et nous tort, et les évidences que nous récoltons avec nos travaux scientifiques sont souvent considérées comme des mensonges, sauf si elles peuvent être utilisées pour confirmer leurs propres thèses. Pour entamer un dialogue, il faut être d’accord de se remettre en question, ce qui, sur la base de nos expériences, est rarement le cas avec des associations qui représentent avant tout des valeurs et une vision du monde qui n’admettent pas la nuance. Or, la nuance, la complexité et le doute sont au cœur de notre travail.»

Une pique qui n’ébranle pas Dan Ziehli, pour qui la légalisation aussi peut devenir parfois «une idéologie au-delà des faits» chez ses adversaires. Avec son approche dépassionnée et rigoureuse, il entend cependant montrer aux autres acteurs de la prévention que les adeptes d’une ligne conservatrice ont un rôle à jouer dans la lutte contre les drames humains.

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